On a eu la chance d'assister au vernissage de l'exposition de Sophie Calle et Serena Carone (son amie sculptrice) au Musée de la Chasse et de la Nature. On vous avait déjà dit tout le bien qu'on pensait de ce lieu atypique, malgré le débat sur la condition animale, sur la chasse, etc, etc... (Virginie si tu nous lis....). Sophie Calle fait partie de ces rares artistes contemporaines qui ont le mérite d'être totalement accessibles. En effet, elle nous raconte des histoires à dormir debout depuis des années, et a même la fâcheuse habitude d'entraîner son public avec elle. Fiction ou autobiographie ? Peu importe, elle ouvre tout grand la porte de son univers intime et on s'y sent un peu comme à la maison.
A la fois chasseuse (elle prend souvent son public en otage, on se souvient entre autres de cette performance où elle demandait à des gens de lui raconter des histoires pour la tenir éveillée, où elle invitait également des inconnus à partager son lit) et proie (elle a déjà demandé à un détective de la suivre), ce n'est pas un hasard si Sophie Calle se retrouve dans ce singulier musée pour cette exposition hors norme d'une part car elle retrace plusieurs périodes de création de l'artiste, et d'autre part parce qu'elle s'amuse à disséminer ses oeuvres un peu partout au beau milieu des pièces exposées dans ce magnifique hôtel particulier du Marais dans une atmosphère hors du temps. C'est un peu comme si elle laissait derrière elle des indices attestant de son passage. Elle nous surprend. On s'en amuse.
On retrouve sa petite ménagerie d'animaux naturalisés (elle a promis à ses amis de leur offrir un animal qui leur ressemble après sa mort - on se dit qu'elle doit avoir un appartement sacrément grand, pas facile à caser la tête de girafe livrée avec son cou), mais aussi l'emblématique et gigantesque ours blanc d'Alaska du Musée de la chasse et de la nature, aux allures fantomatiques pour l'occasion.
Pêchez des idées chez votre poissonnier à la sauce Sophie Calle ("ça m'a fait rire car justement je pensais ne plus avoir d'idées, la mort de mon père m'avait paralysée ; je suis donc allée voir mon poissonnier pour qu'il me donne des idées").
Quand j'étais stripteaseuse ou trouvez l'intrus au milieu de la profusion des articles de ce cabinet de curiosités.
Sophie Calle ou l'art de s'immiscer dans la collection permanente du musée.
Sur la fin de l'exposition, on découvre l'hilarant travail d'investigation réalisé à partir des archives du chasseur français, véritable catalogue des principales qualités recherchées chez la femme à partir d'un best of d'annonces publiées de 1895 à 2010. Viennent ensuite les annonces du nouvel Obs, celles de Meetic puis celles du très pragmatique Tinder ("j'ai toujours trouvé les petites annonces poétiques"). Pour plaire à un homme (attention les mots sont comptés et payants), une femme ne doit pas être être pauvre ni vivre trop loin, être plutôt fortement bustée, de préférence jolie, intelligente si possible, qu'elle soit une jeune fille simple, au regard clair, et surtout pas prise de tête. Je déteste la vulgarité est-il même précisé. Une traque amoureuse qui laisse perplexe bien qu'elle continue à faire ses preuves.
Si Sophie Calle aborde ici largement le spectre de la mort (cette exposition est dédiée à feu son papa Bob qui l'a quittée en 2015, elle simule aussi sa propre mort, met en scène celle son chat souris, les animaux sont empaillés) cette exposition-jeu de piste n'en est pas moins ludique, pleine d'humour et de légèreté, mettant en scène un monde à la fois merveilleux et tout aussi inquiétant.
Beau doublé, Monsieur le Marquis !
Jusqu'au 11 février 2018
du mardi au dimanche, de 11h à 18h, nocturnes les mercredis
www.chassenature.org
Musée de la chasse et de la nature
60 rue des Archives
75003 PARIS
(Photos : Sunday Morning)
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