18 nov. 2014

Ganga style à Bénarès - Part 2

NAMASTE fidèle amis du SUNDAY MORNING !
Nous vous avions laissés au bord du Gange après quelques déambulations dans les ruelles de Bénarès et rencontres avec quelques habitués un poil excentriques, remember ?



Nous revoici comme prévu afin d'aller voir de plus près ce qui se passe à toute heure au bord du fleuve sacré. Parole de voyageur, on a rarement vu autant de monde au bord de l'eau à part peut être un dimanche d'été à Paris Plage... Sachez que la journée démarre très très tôt à Bénarès. Bien avant le lever du jour, le but du jeu étant de se retrouver frais et dispos face à Mother Ganga, pour la Puja du matin qui consiste en trois ploufs suivis d'une  petite gorgée de Ganga Water, ensuite on est parés pour la journée.
Tout le monde se rassemble, imaginez un peu, c'est déjà toute une expérience que de sortir à l'aube de sa guest house, se diriger dans une quasi pénombre jusqu'au Dasashwamedh Ghat (les Ghats  représentent un ensemble de marches qui descendent jusqu'au fleuve), alors que les dormeurs à la belle étoile se réveillent (on ne vous apprend rien, oui il y a pas mal de gens qui dorment dehors en Inde...), chèvres, singes et vaches aussi. Prières et ablutions du matin commencent, le jour se lève, la pudeur n'est pas de mise ;  vous assisterez ébahis au spectacle étonnant des femmes indiennes remettant leur sari (5 à 10 mètres de tissu quand même) impeccablement, en un temps record; essayez donc, on en reparle. Puis chacun vaque à ses occupations, les marchands ambulants arrivent, les enfants des rues aussi, et le Gange continue à être le théâtre de multiples activités. On y vient pour laver son linge, ou pour se laver tout court (buffles compris) pour eux à qui la Puja du matin n'aurait pas suffi.






Si on a parlé de la vie trépidante de Bénarès, n'oublions pas que la mort y est omniprésente : on vient pour y mourir (on croise des vieillards venus attendre leur tour), ce serait l'endroit idéal pour atteindre le Moksha (état divin mettant fin au cycle des réincarnations). En direct du Ghat Manikarnika, les bûchers brûlent nuit et jour et au gré des vents, une brume (on vous passe les détails olfactifs) enveloppe parfois la ville. La discrétion est de mise, mais vous serez les bienvenus pour assister à l'un de ces rituels qui ne laissent pas de marbre. Tout commence par le transport du corps sur une civière en bambou pour le baigner au milieu de fleurs dans le Gange. Le fils aîné se rase ensuite la tête, celle du défunt l'est aussi et on lui verse de l'eau du Gange dans la bouche. Même à ce stade, les castes ont la peau dure : si le défunt est issu d'une basse caste, il sera brûlé au plus près de l'eau et du sol ; sinon, il sera hissé sur une sorte d'estrade. Seuls les Doms (issus de la plus basse caste, les Intouchables) peuvent manipuler les cadavres. Le fils aîné fait 5 fois le tour du bûcher et doit fracasser le crâne du défunt pour que s'en échappe son âme, c'est également lui qui embrasera le bûcher. Trois heures plus tard (dans le meilleur des cas), le corps réduit en cendres sera rendu au Gange (et si la famille n'a pas les moyens d'acheter suffisamment de bois, ce qui reste du corps sera jeté à l'eau....). Le Manikarnika, très ancien, a un côté lugubre la tension est palpable, entre policiers, racketteurs qui rôdent, vendeurs de bois venus faire leur business, familles des défunts (tout sauf éplorées, la mort serait libératrice), les Doms qui s'activent, ne serait ce que pour éloigner les chiens, sic... Jugez par vous mêmes :


(Photos : Routard.com /  Voyagesvoyages.net)

Après cette expérience particulièrement intense, allez retrouver la foule des Hindous qui s'agglutine au pied du Dasashwamedh Ghat pour attendre la tombée de la nuit et assister à la célébration du soir, la fameuse Ganga Aarti, chaleureuse en diable, orchestrée par de jeunes prêtres (chants, musiques, ablutions, dons au fleuve avec de petites coupelles pourvues d'une bougie qui flottent au fil de l'eau), c'est assez magique et il semble que toute la ville soit au rendez vous :


  


 




Si vous restez quelques jours à Bénarès, poussez absolument jusqu'au Temple Népalais tout en bois, où règne une chouette atmosphère (on y trouve quelques bas reliefs érotiques) :



ainsi que jusqu'au Golden Temple, dont les toits seraient recouverts de près de 800 kg d'or - les deux se trouvent à côté du Ghat des crémations. Les militaires ne sont jamais bien loin car c'est un lieu qui a longtemps attisé les tensions entre communautés, les non hindous y sont rarement les bienvenus, mais cela vaut quand même le coup de se perdre dans ces ruelles particulièrement sombres pour voir émerger ces dômes de conte de fées :

(Photo : windhorsetours.com)

On a aussi adoré le Durga Temple aussi surnommé le Monkey Temple (souvenez vous bien de la leçon de la dernière fois, ne jamais regarder un singe dans les yeux, ils y sont légion !), l'un des plus anciens de la ville, plutôt crasseux mais plein de charme ; si vous y allez en fin de journée lors de la cérémonie des offrandes, vous serez pris dans le flot des dévots, volutes d'encens et cacophonies de cloches, plus roots tu meurs, une belle expérience au cœur de l'hindouisme.


Pour les plus spirituels d'entre vous, poussez la balade jusqu'au site du Bodhi Tree où Buddha aurait eu sa fameuse illumination .

Honnêtement, Bénarès, cité sacrée, l'une des villes le plus anciennes au monde, laisse rarement indifférent. Le temps semble ne pas y avoir de prise et rien ne semble arrêter les millions de pèlerins qui s'y succèdent chaque année, ainsi que les immuables rituels qui se tiennent chaque jour que Vishnou fait au bord du Gange. Alors Mother Ganga, ton eau laverait elle de tous les péchés et permettrait t elle d'accéder au repos éternel ? Quoiqu'il en soit, entre les cadavres rejetés (tous les êtres vivants ne sont pas destinés à la crémation et il n'est pas rare de voir flotter une carcasse de vache, dans le meilleur des cas...), déchets chimiques, industriels, fosses septiques déversées allègrement, c'est le paradis des bactéries. Mark Twain aurait déclaré à ce propos : "aucun microbe qui se respecte ne saurait vivre dans une eau pareille". Pourtant, les indiens qui viennent chaque jour s'y baigner et ne rechignent pas à boire une petite gorgée ne nous ont pas semblé particulièrement mal en point... Fut un temps, le gouvernement alla jusqu'à imaginer un lâcher de tortues nécrophages (trop sympa comme espèce) pour résoudre ces petits soucis. Manque de bol, quelques riverains affamés en firent leur affaire et ce fut la fin de l'histoire. Contre toute attente, le Gange abrite pourtant un écosystème hyper riche puisqu'on parle du Dauphin du Gange et d'une espèce de requin d'eau douce fort rare qui s'y développent.

Alors, Bénarès ou le Miracle à L'Indienne ? Certes plus kitsch et dépaysant que notre Lourdes national, on recommande cette petite escapade sacrée dont nous sommes revenus indemnes.

Que votre journée soit bénie des Dieux de l'Inde, à demain !

(posts sur l'Inde voir aussi : naans, Amma, envie d'Inde, Do you Ganesh)





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